Concilation : « Les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance » (article 127 du Code de procédure civile).
Départition2 : La départition est le recours à un magistrat professionnel pour compléter une formation du conseil de prud’hommes afin de dégager une majorité pour prendre une décision.
Une conciliation en diminution sensible (8,8 %1 en 2000 et moins de 5 % en 2015), un taux de départage plus erratique. Ce graphique semble indiquer une difficulté à concilier à la fois les parties (demandeur et défendeur), mais aussi à l'intérieur même du conseil entre collèges (employés et employeurs) alors que la conciliation représente le premier objectif de ces juridictions de proximité.
La section commerciale du conseil des prud'hommes de Paris est la plus importante de France que ce soit en nombre de conseillers (158) ou en nombre d'affaires traitées (12 300 nouvelles affaires en 2015). Elle représente de ce fait un lieu d'observation privilégiée de leur action de jugement et du rapport entretenu à la conciliation et elle reste en 2015 - les derniers chiffres à date - malgré cette diminution l'une de celle qui atteint le meilleur taux de conciliation.
Objet de la juridiction des prud’hommes
Le conseil des prud’hommes est une juridiction spécialisée dans le traitement des affaires relatives au code du travail entre employeurs et salariés. Depuis 1806 dans sa forme moderne et sa limitation à Lyon et aux canuts, elle s’est développée sur l’ensemble de la France et à l’ensemble des activités de droit privé régies par le code du travail. Elle est fondée sur un fonctionnement :
- paritaire (les conseillers prud’homaux sont des représentants des salariés et des employeurs) ;
- électif (conseillers élus par leurs pairs) ;
- par section (encadrement, industrie, commerce, agriculture, activités diverses) ce qui implique une connaissance des activités par les juges.
L’objectif de cette instance est, avant le jugement éventuel, la conciliation.
Conseil des prud'hommes de Paris le 18/09/2017
Les CPH ont le mérite d'associer employeurs et salariés pour apporter la justice aux justiciables. Si les bureaux de conciliation sont fermés au public, les audiences de jugement sont elles ouvertes au public, profitons-en. J'arrive à l'ouverture des locaux 9 heures, peu d'animation... Pas de chance, après avoir demandé mon chemin à l'accueil, j'apprends que les audiences publiques commencent l'après-midi à partir de 13 heures. Rien de grave, j'y retourne l'après-midi pour une après-midi d’audience à la 8e chambre de la section commerciale.

Ici pas d’apparats, les juges ne portent pas de robe, mais une écharpe tricolore et une médaille sous le regard de Marianne . Avant l’entrée de la greffière, les avocats présents étudient des dossiers ou échangent avec leurs clients. Les demandeurs sont tous accompagnés par un avocat.
A 13 h 10, après le prononcé par le président d’une décision du 21 juillet - aucune partie concernée n’est présente -, trois conseillers le rejoignent et s’installent. La formation de jugement se compose de quatre conseillers, deux représentants employés et deux représentants employeurs. La décision de jugement implique un accord majoritaire et dans le cas contraire, la décision est renvoyée au départage.
La greffière décline les affaires prévues pour l’après-midi. Sur 13, seules trois seront traitées au fond. Les autres ont fait l’objet d’un(e) :
- Renvoi soit à la demande des avocats, soit du fait de l’absence des parties. Un seul renvoi relève de la responsabilité du conseil : un conseiller, remplaçant un absent, est issu de la même entreprise que la partie défenderesse (RATP) ;
- Radiation (deux affaires liées sont radiées) ;
- Désistement après un accord trouvé.
« Maître, nous ne sommes pas graphologues »
Trois affaires traitées ce jour donc. Une coiffeuse d’un sous-traitant de Jean-Louis David a été licenciée pour faute grave (injures racistes et mouvement d’humeur relatif à un changement d’horaires imprévu). Le salon semble pratiquer un système de paie compensatoire de 300 € non déclarés. Les pièces, dont certaines fournies à l’audience, proposent des témoignages contradictoires, parfois d’une même personne, et une signature variable de la demandeuse - une procédure pénale est ouverte en parallèle en cours pour faux et usage de faux. Leur présentation à l’audience par la défense et la demandeuse fragilise les versions de chacun. Seule resteront les écrits. Comme le précise un conseiller, « Vous nous présentez ces éléments à l’audience, mais nous ne sommes pas graphologues, maître ».
Une partie ment, les deux peut-être. Du moins, les chances de conciliation sont faibles.
"256 heures, ça représente combien de nuits ?"
Deuxième affaire, un veilleur de nuit dans un hôtel parisien pendant 4 ans en CDD avant une période en CDI requiert une requalification en temps complet de l’ensemble de la période et donc les montants afférents au motif qu’il a dépassé très régulièrement la durée contractuel de 52 heures chaque mois (jusqu’à 256 heures). Il conteste également son licenciement pour faute. Selon la lettre de licenciement, le fait de ne pas avoir suivi la formation sécurité trois années de suite, une obligation contractuelle selon l’employeur, aurait initié cette procédure.
Comme le souligne un conseiller, la fréquence et le niveau des dépassements horaires implique une faute de l'employeur. Toutefois, le niveau des requêtes peut sembler démesuré. Un conseiller déplore alors l'absence de plus en plus fréquente des représentés aux audiences ce qui pourrait faciliter des rapprochements au cours de la séance. Je ne suis pas à même de le mesurer, mais seul un sur treize était présent au cours de cet après-midi.
Prononcé des décisions le 14 novembre.
Pour évaluer la valeur de l’argument selon lequel les prud’hommes nuisent à l’embauche par la crainte que ces juges à lourdes médailles inspirent, je vous renvoie à une étude du Centre d’études de l’emploi datant de 2014.
L’institution des prud’hommes représente-t-elle un danger à tel point que le souhait existe de limiter ses pouvoirs d’appréciation alors qu’elle permet de favoriser l’expérience professionnelle face à la seule rigueur du droit ? Ils permettent une responsabilisation des travailleurs en offrant une voie de conciliation aux conflits.
Quelques chiffres
- 210 conseils de prud’hommes en 2016 depuis la réforme de la carte judiciaire menée par Rachida Dati en 2008
- 182 000 demandes en 2015
- La section commerce du CPH de Paris regroupe 158 conseillers prud’homaux, soit le nombre le plus élevé de conseillers, toutes sections confondues, en France et traite entre 11 000 et 16 000 affaires chaque année.
Notes
- Rapport Lacarabats remis en 2014 à la Garde des Sceaux, Christiaine Taubira (http://www.justice.gouv.fr/publication/rap_lacabarats_2014.pdf)
- Manuel pratique de procédure prud'homale sur le site du portail du droit social (http://www.portail-droit-social.fr/?page_id=707)
- Les statistiques de la justice au niveau national ou par juridiction (http://www.justice.gouv.fr/statistiques.html)
- Centre d’étude sur l’emploi : il est possible d’y retrouver des études sur les prud’hommes et notamment une comparaison éclairante avec les autres pays européens (http://www.cee-recherche.fr)